15 septembre 1989, la mer est d'huile comme nous ne l'avons pratiquement jamais vue.
Cela bricolette un peu partout en Guadeloupe, en mode rigolade et bonne blague. Personne ou presque ne fait de réserve. On nous annonce un cyclone pour le lendemain...
Comme tous les jours nous allons à la plage et idem le samedi 16 septembre au matin. Il fait super beau et chaud, nous traînouillons dans les rues en attendant le soir.
En fin d'après-midi, l'eau fut coupée sans que nous soyons prévenus. C'était pour protéger les réservoirs. Mais nous n'avions pas de réserve !!! Et plus le droit de sortir en faire car tout était fermé.
Et le soir fut terrible...
A 21h30 l'électricité a disparu, bon il y avait qqs bougies même pas prête et une petite radio à piles.
L'anémomètre de l'aéroport s'est cassé à 320 kilomètres donc personne ne sait à quelle vitesse soufflèrent les vents les plus puissants.
Nous étions dans notre haut de maison et le propriétaire est venu nous chercher pour nous dire de venir avec eux aux tous premiers vents. Il préférait nous savoir tous ensemble. Nous sommes descendus, nous étions 3, ils étaient 4. On a papoté pendant le passage de la première partie, nous sommes remontés à l'appart, j'ai bu et posé un verre sur l'évier et quand l’œil et son silence impressionnant s'est terminé nous sommes redescendus. J'ai oublié un sac avec les papiers heureusement emballés dans des sachets plastiques...
Et, là l'ensemble des Dieux des Vents s'est déchaîné. Je peux écrire ce texte car comme l'ensemble de la Guadeloupe nous avons eu la chance qu'Hugo soit un cyclone sec, donc sans pluie. Sinon...
En effet, l'eau de mer a commencé à monter dans la maison, pourtant à 200 mètres au moins de la plage. Au début, c'était qqs centimètres puis de plus en plus, puis, nous avons commencé à nous dire "mauvais, mauvais".
La radio s'est interrompue et l'eau a continué à monter. Elle s'est arrêté à environ 60 centimètres de hauteur et nous nous sommes dits "bon". Mais tout à coup, elle est repartie et là il y eut qqs instants de projection vers une issue fatale. Devions-nous laisser un mot aux familles... Il faut dire que vu les vents extérieurs nous ne pouvions sortir. Nous entendions plein de choses taper, cogner contre la maison...et nous étions bloqués dans un cube sans étage.
A plus d'un mètre, l'eau s'est arrêtée de monter, nous étions les pieds dans l'eau assis sur les dossiers des chaises. Puis, bien plus tard, elle est redescendue. Vers 6 heures du matin, les vents se sont calmés et nous avons pu ouvrir une porte.
Souffle coupé, il n'y a plus de végétation, des tas de débris jonchaient le sol - il y avait encore pas mal d'eau dehors. Il était imprudent de sortir.
Le propriétaire avait peur de sortir. Monsieur Madikéra est allé voir comment était la maison derrière, on le regardait avancer, un peu anxieux. Il est arrivé au coin de la maison et a fait une tête dont je me souviendrais toujours. "Alors, alors"... Et sa réponse fut: "Il n'y a plus rien. Comment, plus rien ? Plus rien, tout ou presque est parti". Alors, nous nous sommes tous avancés et avons vu les ruines de ce qui était un appart en haut de maison. Il n'y avait plus de toit, ni de portes, ni de fenêtres...
Nous sommes allés voir de plus près et savez-vous quelle était la seule chose intacte restant dans cette maison où on aurait pu croire qu'une bombe avait explosé... un verre posé sur l'évier !!!
Dans les débris, nous avons eu la chance de retrouver notre sac avec les papiers mais la plupart de nos autres affaires étaient détruites.
Pendant le passage, il y eut 2 morts, deux imprudents décapités par des tôles volantes. Après, 7 avec le crash d'un hélicoptère de secours.
Plus jamais, vous ne me ferez habiter au niveau de la mer...
Je n'ai pas mes photos de l'époque, j'en mets une du "monstre"...