Quand un canyon te mène en Kérak, tu krak pour Pétra
Roule Phiphi, roule… vers le plus beau paysage de bord de route que nous avons traversé en ce voyage: la route en proximité du barrage de Mujib, dans la zone du canyon du même nom. C’est l’entrée en mode maxi Wawawouage. Un premier stop à un point de vue, un autre au niveau du barrage, un 3ème de l’autre côté du canyon et cela donne des pupilles qui flashent, flashent, flashent sur la beauté du site. Plus tout à fait naturel comme site à cause du barrage mais en même temps le contraste vert de l’eau avec l’ocre jaune environnant est des plus réussi !
Nous roulons sur la D35, surnommée route des Rois, car dans l'ancien temps c'est par là qu'ils passaient. Pas seulement ils d'ailleurs, car tout le monde l'empruntait, il n'y avait pas d'autoroute. Je l'aurai plutôt nommée Reine des routes !
La réserve de la biosphère de Mujib s’étend sur 200km2. Le wadi Mujib, surnommé Grand Canyon de Jordanie, s’étend sur 70 kilomètres avec une profondeur moyenne d’1 kilomètre et une largeur en certains points de 4 mètres. De nombreuses activités autour du canyoning y sont proposées à partir d’un centre situé en proximité du lac Mort, dit mer. Nous nous contenterons de la superbe vue et y compris des toilettes du 3ème stop !
Le premier arrêt m’a aussi permis d’avoir un premier aperçu d’un phénomène dont je vous reparlerai en détails à Pétra. Il s’agit de la propension de certains hommes, plutôt jeunes, à se déguiser en bédouin façon Jack Sparrow, le pirate. Il paraît que cela fait battre les cils de certaines… Je trouve plutôt ridicule ce déguisement uniformisé et déculturant !
Roule, Phiphi, roule… et nous voilà vers 14h40 à Kerak pour une première halte. C’est restaurant pendant 40 minutes, dans un hôtel avec vue sur le fort. Un buffet avec différentes spécialités nous est proposé, rien de bien marquant. Par contre, je peux coca-coler et même bisser à 2 JOD la cannette. Je mange le plus vite possible car dans cette grande-salle il y a d’autres personnes et malheureusement des fumeurs. Du coup, je m’en éloigne. Ce sera la seule fois où je serai gênée par des fumeurs en salle.
Il est temps de partir vers les ruines dominant la ville… Complexité vocabulistique: el kerak signifie la forteresse ou le fort. Or ce nom a été attribué à une ville, celle où nous sommes mais sert encore pour les deux autres constructions du même type. De plus, au fil du temps l'abréviation krak est apparue pour signifier la même chose...
Le krak des Moabites, souvent simplement dénommé Kérak, est une forteresse de 220 mètres de long sur 40 à 125 de large, avec des douves allant jusqu’à 20 mètres de profondeur. Sa construction commence vers 1140, sous la direction de Payen le Bouteiller, vassal de Foulque V d'Anjou. Il a été conçu pour résister à de longs sièges donc comprend citernes, réserves de grandes tailles.
Renaud de Châtillon, en fut un des dirigeants les plus célèbres. Célèbre pour sa cruauté envers ceux qu’il capturait. C’était une époque où, au nom d’une croyance on tuait sans humanité. Sommes-nous devenus plus humain en ce XXIème siècle ??? Je suis loin d’en être convaincue car malheureusement…
Saladin fit le siège du krak, en 1183. Renaud alluma un grand brasier qui fut vu, au loin, par les soldats de Baudoin, le lépreux. Ce dernier vint à sa rescousse et du coup Saladin décida de lever le siège. Bis repetita en 1187, ce deuxième siège marqua la rupture entre Saladin et Raymond III de Tripoli. Rupture qui déclencha la Guerre Sainte, la bataille de Hattin (défaite pour les francs / victoire pour les autres - les camps voient les choses différemment), la prise de Jérusalem et au final la 3ème croisade. Saladin réussit à prendre Kérak en 1189.
La forteresse fut agrandie par les mamelouks au XIIIème siècle et en partie détruite par Ibrahim Pacha en 1840. Au XXème siècle, elle fut sauvegardée et reconstruite par endroits à des fins touristiques...
Fin de la révision d’Histoire… Intérro du soir: et Sybille et Guy, ils viennent faire quoi dans ces évènements ?
J’ai une heure pour partir à l’assaut des épais murs, des profondes caves et des voûtes en tous genres. C’est un château de guerre, donc sans finesse ou joliesse décorative. Je cours à droite, en haut, en bas à gauche… Je pixelise et pense à celles et à ceux qui y furent enfermés, qui y vécurent, qui y bataillèrent…
A la sortie, il y a des commodités payantes. J’y file avant que nous ne reprenions la route. Comme le reste du groupe n’y a pas fait attention, nous marquerons un bref arrêt dans un gift-shop agrémenté d’un beau point de vue.
Nous filons bon train car entre Kérak et Gaia/Pétra, il y a environ 160 km, soit presque 3 heures de route. Et il est déjà 16h45. Je commence à comprendre que Pétra by night, c’est fichu pour ce soir et très probablement définitivement. Je sais que demain va être une journée longue, fatigante, marchante, grimpante… Donc que j’ai très peu de chance d’avoir encore des forces pour rajouter plus de 6 kilomètres en soirée. C’était ce soir qu’il fallait y aller, d’autant plus que nous y étions les deux soirs de suite où l’animation a lieu !
A 19h15, nous faisons un petit détour pour aller voir de loin et dans la lumière du couchant le krak, el kerak ou forteresse de Montréal à Shobak. C’est le 3ème des châteaux des croisés avec celui des Chevaliers, ce dernier est en Syrie.
20 heures, les valises sortent des soutes. Le chargé d’accueil de l’agence nous donne les bases du fonctionnement, je change de chambre car la première n’est pas aérable de nuit vu sa position au premier étage et discute avec lui de ma journée du lendemain. Il me conseille, comme j’ai l’intention d’y aller avant 7 heures du matin, de monter voir le fameux Trésor par le sentier directement à gauche, avec l’aide d’un boy-guide, plutôt que de faire le tour par celui de l’Urne. Il me dit que c’est beaucoup plus rapide, le seul inconvénient c’est qu’on ne peut pas y aller par soi-même et donc qu'il faut payer...
La soirée se déroule entre resto plutôt moyen, sauf la limonana à 4 JOD, petit tour dans les rues avoisinantes pour passer au DAB, achat d’eau et de grignoteries à la boutique d’en face pour le lendemain - je n’ai pas prévu assez d’eau en sortant du bus. Petit moment de discussion avec le gérant qui nous parle du français qu’il (et apparemment de nombreux autres) admire le plus: Jacques Chirac. Il est adulé dans le secteur car il a refusé de faire la guerre en Irak lorsque les américains ont décidé d’y aller. Je n’ai pas de monnaie pour payer mes 3 JOD d’achats donc il me dit de repasser demain…
Il fait beaucoup plus chaud qu’à Amman et la fenêtre est toute petite du coup cela ventile peu. L’hôtel est nettement plus occupé que le précédent et en particulier par des gens confondant hôtel et résidence personnelle. Du coup, les personnes de mon secteur se sont installées dans le couloir et y tiennent salon à grand renfort de hurlements et d’interpellations d’un bout à l’autre du bâtiment. A minuit, je me manifeste et cela se calme un peu. Ce fut idem au premier, ils durent faire savoir que certaines personnes viennent à l’hôtel pour dormir !
Mes yeux se ferment en comptant des tesselles de toutes tailles et couleurs…