La belle Bariolée en robes haute, basse, nabatéenne, romaine, sèche...
L’appel du haut l’emporte… A 8h30, nous nous mettons en route quand la cigarette de tabac bédouin à l’odeur shittouilleuse est terminée. Je pars avec le petit frère, le grand semble aux commandes de la répartition des tâches entre frères et cousins. Avant de venir en Jordanie, j’avais lu un certain nombre de commentaires négatifs sur les bédouins de Pétra, entre arnaques multiples et problèmes relationnels, surtout avec les femmes. Je n’ai rien eu à redire de leur accompagnement si ce n’est que le tarif n’est pas donné. Ils vivent du tourisme et cherchent à gagner de l’argent donc proposent divers services comme une guidance à la journée, des hébergements chez eux, des faux vieux souvenirs… A chacune, chacun d’avoir conscience que l’envie d’argent facile peut être tentante, tout comme celui de relations faciles…
Nous montons pendant environ 25 minutes et nous retrouvons au-dessus de la Khazneh vers la gauche du site en surplomb de la plaine. Le chemin n’est pas toujours bien visible et passe même au-dessus d’un petit ravin en empruntant un assemblage de planches un peu instable. A un moment, on aperçoit l’abri d’où nous venons ainsi que son concurrent juste de l’autre côté du Siq. Nous arrivons à Al Jilf. J’étais persuadée avoir fait une photo de la tente coffee-shop du point de vue avec le nom mais ne la trouve pas. Pas plus que celle du 2ème thé de la journée et de son plateau de fausses-vraies vieilles pièces ou morceaux de poterie authentiques de chez Filouteurs à Gogol ! Est-ce la sécheresse qui commence à m’emmêler les neurones et me faire croire que j’appuie sur le bouton, alors que non ?
Je paie. Le petit frère m’explique que pour redescendre un enfant va m’attendre un peu plus loin et m’accompagner jusqu’à l’embouchure du chemin menant au Haut Lieu des Sacrifices, confiance.
La vue est superbe: le théâtre, la vaste plaine, dans le très lointain, le mont Aaron et même un petit bout du chapeau du Deir qui est juste en face de nous mais légèrement de biais. Je pixelise, bois lentement mon thé à 1,5 JOD, regarde seule pendant une bonne partie du temps. Puis, un groupe de français randonneurs accompagnés d’un guide arrive. Ce dernier s’étonne de me voir seule et me demande comment je suis arrivée là et me dit que je suis bien courageuse de repartir seule. Serait-ce une erreur ? Légère froussasse !!! Mais le vieux monsieur tenant la place me dit que je peux partir tranquille, on m’attend un peu plus bas…
A 9h30, je repars d’un pas serein bâton de marche dans une main, sac sur le dos et fait exceptionnel pas trop besoin d’aller aux commodités. Je descends le chemin indiqué et arrive à un plateau, juste en face des Obélisques. Le petit garçon est là. Nous nous mettons en route sur un sentier pas vraiment marqué, parfois à flanc de montagne et en petite largeur mais heureusement cela ne dure guère. Je pixelise: les roches, la vue, les bords du chemin, les tombeaux vus dans le lointain, les ânes, les étals vides… Nous arrivons à la jonction du sentier pour aller au Haut Lieu, il me dit qu’il part à gauche vers le village et que j’ai deux options continuer à descendre ou monter. Il me demande si j’ai une bouteille d’eau à lui donner, il m’en reste une, il la boit avec grand plaisir et se réjouit du pourboire.
J’opte pour la descente car je sais que l’autre sentier m'amènera au niveau des restos et c'est trop tôt pour y aller. J’y ai rendez-vous vers 12h/12h30 afin de rassurer le guide et de pouvoir déjeuner. Mon programme de fin de matinée est encore chargé…
J’admire les parois, les formes, les dessins en multi pigments, les grimpeurs du jour… et dans le lointain les tombeaux divers et multiples. La hauteur permet de voir les empilements sur 3 voire 4 étages, les dimensions, les différentes formes de merlons…
La voie principale est rejointe à 10h15, juste après la rue des façades vers une zone de magasins et de commodités, bienvenue ces dernières.
Direction les tombes Royales en passant devant le théâtre où je m’arrêterai au retour. A cet endroit l’espace est en grande largeur et cela circule dans tous les sens et avec tous moyens. Le pénible, ce sont les multiples "A donkey, a donkey, a camel… " auxquelles je réponds, "No thanks, thanks no… et parfois juste NO". Il faut économiser la salive ! Mon chapeau est devenu carton, c’est impressionnant, le taux d’humidité est de l’ordre de 30% en juillet ! Je commence la grimpette vers les monuments.
Quelques éléments d’infos avant d’aller plus loin concernant les tombeaux nabatéens, d’après les éléments archéologiques trouvés à Pétra et à Hégra (Arabie Saoudite). Pour se sédentariser, ils ont choisi des zones avec des massifs de grès permettant d’y creuser facilement des bâtiments. Dans les premiers temps, ils avaient deux niveaux: le corps dans le sol et un bâtiment plein, aérien pour l’âme, au-dessus. Puis, les corps furent mis dans un haut tombeau hors-sol, parfois en empilant les membres d’une famille pendant plusieurs générations. Dans certaines tombes d’Hégra jusqu’à 90 corps différents furent trouvés. Mais à Pétra encore aucun, mystère ! Les matériaux excavés servaient à construire la ville, habitations et bâtiments divers. Rien ne se perdait ! Les façades avaient souvent 3 niveaux différents et les moins ornementées au moins des merlons (sculptures en forme d’escalier).
Le long du mont Umm Al'Amr trônent les royales tombes ainsi nommées car plus grandes que la moyenne des autres et ayant pu servir pour des rois. Dans le sens plaine-voie principale, la première est celle de Sextius Florentinus, un gouverneur romain. La deuxième, celle du Palais est la plus large de Pétra et s’orne de 18 colonnes, elle se caractérise aussi par l’ajout d’une construction en blocs en avant de la colline. La troisième, la Corinthienne, s’orne de motifs floraux corinthiens. La quatrième, celle de la Soie ressemble à la Khazneh et surtout ses nombreuses variations de nuances de couleurs font penser à un beau tissu. La dernière, celle de l’Urne, fut creusée pour Malichos II ou Aretas IV vers l’an 70. Au Vème siècle, elle servit de cathédrale car sa grande salle intérieure mesure 18m par 20. La résonnance y est excellente. Au moment où j’y suis arrivée une cantatrice finissait d’y chanter. C’est un bel ensemble que j’ai particulièrement apprécié. Après le tombeau de l'Urne se trouve le sentier permettant de rejoindre le point de vue de droite sur la Khazneh, au mont al Khubta.
Je me lance dans la grande traversée de la plaine non encore fouillée à 11h20. Un stop achat de bouteille d’eau à 1,5 car la réserve est épuisée. La dame tenant la boutiquette m’invite à m’asseoir près d’elle pour que je sois un peu à l’ombre. L’espace est divisé en deux : femmes et enfants d’un côté, hommes de l’autre. Je repars sous le puissant soleil asséchant. J’admire, je pixelise seule au milieu d’une surface cachant encore bien des trésors à découvrir.
Me voilà, à l’église byzantine en admiration devant les belles mosaïques datées de la fin du Vème siècle J’ai droit à un nouveau concert, cette fois ce sont les petits oiseaux installés à l’ombre de la tente protectrice qui vocalisent.
Il y a encore tellement à voir mais le temps refuse de s’arrêter et continue de faire dérouler les chiffres sur la montre. Un dernier stop au temple des Lions, bâti vers l’an 27 et c’est descente vers le bas de la vallée et la zone des restaurants. Le déjeuner est prévu au Nabatéen. Il est 12h18 quand je rentre dans la salle. Je m’attendais à voir le groupe et il n’y a que le guide. Ils sont arrivés à 11h30, ont rapidement déjeuné et sont tous en train de monter les 800 marches menant au Deir…
Comme d’habitude c’est un buffet, je bois 2 cocas et un café jordanien pour 10, en papotant des conditions de travail et de vie en Jordanie. J’apprends que nous bénéficions d’eau tous les jours en nos hôtels alors que les habitants n’en ont souvent qu’une ou deux fois par semaine, que la sécurité sociale est privée et que bien des gens (comme le guide) n’assurent pas toute la famille car c’est trop coûteux, en général uniquement la personne apportant les ressources… Le café a petit goût de cardamone, déception car je n'en suis pas fan...
Le rendez-vous de fin de journée est à 17h30 vers la billetterie, à 4 kilomètres du resto. Il est 13 heures, il me reste 4h30 de visite. Que vais-je décider ? Que suis-je encore en état de faire ?? Que vais-je sacrifier ???
Les réponses se découvriront dans la dernière partie du jour…